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Recension de l'ouvrage format beau livre Secrets de mer par Eric Joret, Conservateur en chef du patrimoine.

27/03/2024

BERTHOU Eric, (dir.), Secrets de Mer, Secrets de Mer Editions, 2023, 276 p, 400 images.

 

Une nouvelle fois, Eric Berthou, peintre et écrivain de la mer, a pris la plume pour nous offrir un passionnant ouvrage sur les océans. Sa passion qu’il exprime dès la 3ème page sous un titre évocateur Les couleurs de la Mer va animer toute la construction de ce livre en embarquant avec lui 37 auteurs attachés à la connaissance de la grande bleue et à la protection des hommes qui la parcourt. Certains tiennent la barre de voiliers, de tankers, de porte-avions, de sous-marins, sondent les profondeurs avec des scaphandres ou muni d’appareils photographiques ou de simples crayons ils immortalisent la vie des océans, d’autres surveillent et secourent avec leur bateau tous temps ou avec leur hélicoptère. Impressionnant ! Des commandants de navire, des constructeurs de bateaux, des navigateurs, des enseignants, des chercheurs, des sauveteurs, des photographes, des écrivains, des océanographes, des pilotes de l’Aéronavale nous dressent de façon captivante un tableau de la vie maritime d’aujourd’hui. Décliné en 5 parties, la première d’entre elles Expériences s’ouvrent par des témoignages. Les titres révèlent leurs richesses : Le sens marin par le navigateur Jean Le Cam, Face à l’adversité par Yves Parlier navigateur également, Commandant de navire par François Lambert, directeur de l’Ecole nationale supérieure maritime, Les navires de demain par Pierre Eric Pommelet, président directeur général de Naval Group, Une vie de marin par Josiane Guéguen du Seamen’s club Brest, La Touline, le lien qui relie les hommes aux hommes par Cédric Boissaye, président de la Touline. Cette instructive et vivante introduction nous prouve que l’on doit apprendre encore de l’océan. Le temps des découvertes n’est pas révolu ! Ces regards croisés nous entraînent tout naturellement vers la première partie L’Océan, cet inconnu. Apporter les connaissances sur l’origine des océans, sa biodiversité méconnue et menacée, sur les « territoires du bout du monde » et surtout les diffuser au plus grand nombre pour mieux protéger structurent ce chapitre. On note ainsi sous la plume de Nadia Améziane du Muséum National d’Histoire Naturelle l’alarmante diminution des stocks de poissons, la disparition des récifs coraliens… Sous celle du conservateur d’Océanopolis Dominique Barthélemy, le rôle essentiel de son établissement, indispensable « lien entre science et société pour changer le regard sur l’océan » auprès des enfants, futurs citoyens en charge de la protection des mers. Hommes de mer : nourrir, défendre, transporter, chercher, secourir, titre de la deuxième partie, rassemble des témoignages qui nous font découvrir des instants de vie hors du commun. Je pense en particulier aux textes très vivants du vice-amiral François Dupont évoquant 70 jours sous la mer, des marins dans une bulle de silence ou du vice-amiral Olivier Lebas dressant la diversité des métiers sur le porte-avions Charles de Gaulle, véritable ville de 2000 marins en mission au quotidien. Les bénévoles de la SNSM ont aussi leur place dans ce riche panorama dont il m’est difficile de tout présenter. Ces marins aux métiers si différents ont tous chevillés au corps leur grand dévouement. L’historique brossé par Jean-Patrick Marcq met en avant une culture opérationnelle. Un chiffre suffit à en donner toute la mesure : 500 nouveaux nageurs sauveteurs sont formés chaque année ! Intéressante est aussi l’approche développée dans l’avant dernière partie : Rêver et innover. Si le rêve nourrit l’innovation, cette dernière permet le rêve. Du drone sous-marin Ulyx pour l’exploration des océans à l’Hermione et ses secrets, des dernières technologies du 21ème siècle à la réplique d’un vaisseau du 18ème siècle ou à la renaissance de l’hydroptère, à n’en pas douter, les futurs lecteurs vont trouver matière à rêver et aussi à espérer quand on apprend grâce à l’article de Marie-Lise Bourguet-Kondracki , les molécules de l’espoir, les perspectives médicales antivirales, anticancéreuses ou antalgiques de ces molécules issues de la mer . Quatre noms à retenir : Plinabuline, Salinosporamide A, Tétrodotoxine et Plitidepsine ! Enfin, la quatrième partie façonne aussi une mer rêvée, un univers marin parfois fantasmé. L’océan, une inspiration infinie nous invite à suivre le voilier Tara voguant sur toutes les mers, Mathieu Coulange, médecin-plongeur, Benoît Stichelbaut photographe amoureux de l’île de Sein, Ben Thouard nageur-apnéiste-surfeur photographe… Et puis, on glisse avec les trois derniers articles dans un autre univers, aussi enchanté que ceux évoqués plus haut, celui ressenti par les illustrateurs et les écrivains. Michel Glémarec, avec les monstres des profondeurs d’Hugo ou les coquillages de Colette et Méheut peuplant son texte sur L’illustration de la vie marine : du fantasme à la réalité, nous fait cheminer tout doucement dans ce bestiaire captivant. Dominique Le Brun, écrivain de marine, nous invite quant à lui à découvrir un texte au titre intrigant : l’Océan et les écrivains terriens. « Ceux dont l’œuvre maritime ne résulte d’aucune expérience nautique » ajoute l’auteur. Sous ce prisme, Vercel, Pierre Mac-Orlan, Blaise Cendrars, Henri Quéffelec… nous apparaissent sous un autre jour. Je termine le tour d’horizon de ce livre par le texte d’Eric Berthou, Dessiner et raconter la mer. En fait un plaidoyer pour que « l’art maritime soit au cœur de la culture […] pour rapprocher les Français et la mer […] pour proposer un parcours maritime à chaque citoyen dès son plus jeune âge… » Dense et foisonnant, le passionnant Secrets de mer a aussi deux grandes qualités. Son extraordinaire iconographie. 400 illustrations donnent un éclat incomparable à ce volume. Pas une page n’est oubliée ! Photographies et dessins parfois en pleine page éclairent les articles. En évoquant la SNSM, je ne peux qu’être marqué par l’initiative prise par le directeur de publication. L’ensemble des bénéfices liés à cette publication est destiné à la vénérable institution du sauvetage en mer ! Action possible car tous les auteurs et illustrateurs ont participé gracieusement à cette aventure singulière ou en cédant leurs droits. La liste des partenaires et des auteurs est d’ailleurs impressionnante. Il faut aussi relever l’appui de l’ordre national du Mérite maritime dans ce pari éditorial inédit. La passion intense d’Eric Berthou pour la mer, l’écriture et la peinture, son investissement rigoureux dans ses projets, bien ancrés dans la direction de ses ouvrages précédents, La rade de Brest et l’Aulne maritime en 2015 puis Découvrir le monde, Brest port d’explorateurs en 2020, se confirme avec ce troisième opus de qualité dédié à la mer. En créant des liens entre les auteurs, il permet au lecteur, en le plongeant dans ce livre, de voyager sur l’océan, « symbole de vie, de rêves et d’espoir pour tous » écrit-il dans son avant-propos. Si le président national de la Fédération nationale du Mérite maritime et de la Médaille d’Honneur des Marins, Fabrice Viola, dans sa post-face, se pose la question « Méritons-nous véritablement cette mer ? », il ajoute quelques lignes plus bas : « Si nous voulons nous dire « gens de mer » il faut mériter notre place sur les océans du globe. Par nos actes, nos apprentissages, nos expériences, nos métiers, nos rêves ». Assurément les auteurs de ce livre et le premier d’entre eux Eric Berthou sont » des gens de mer ». La France « Nation maritime » écrit Annick Girardin dans sa préface nous apprend que moins de 20% du plancher océanique » est connu, que « seuls 10% des fonds marins sont cartographiés ». Encore beaucoup de secrets à dévoiler !

© Eric Joret Conservateur en chef du patrimoine (AD 35).

 

 

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